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Un… deux… trrr… Fin des menaces, je passe à la punition.

Un… deux… trrr… Fin des menaces, je passe à la punition.

Mes enfants sont comme des insectes qui, pour résister aux insecticides, développent des anticorps puissants. Et j’ai nommé : les menaces de punition! Je peux vivre sur les menaces un certain temps, mais mes enfants adaptent leur système immunitaire et y résistent de plus en plus.

Je commence avec un regard dur. Puis, vient ma voix forte. Puis, le regard s’endurcit encore. Puis, la voix monte encore… Et commencent les menaces. C’est comme une loterie. Il faut que je trouve ce qui est le plus efficace. Ce qui aura le plus d’impact. Ce qui « gèlera » le comportement à éliminer. « Tu n’auras plus ton ballon pendant deux jours. » Paf! Je fais de l’effet. Je prends des notes.

Je ne mets pas tout de suite à exécution, puisque la menace a fonctionné. Mais peu de temps après, tout est à refaire. Zut! Je double le nombre de jours, puis on passe de 4 à 6. Je pourrais ensuite leur dire que je leur enlève le ballon pendant vingt ans qu’ils n’auraient aucune réaction. Mes enfants sont immunisés.

Fin des menaces, je passe à la punition. Ça, c’est la période que je trouve la plus difficile parce je n’en ai pas le goût. Le fait d’appliquer la punition brise la journée et les activités prévues. Mais bon, j’agis! J’isole l’enfant. « Tu vas aller dans ta chambre. » (Ou dans le coin, ou dans le cachot… c’est selon!)

La première fois, l’isolement est frustrant, très frustrant. Je pense alors que j’ai mis le doigt sur LE nouvel insecticide « formule améliorée ». C’est le cas, mais pas pour longtemps. Ils commencent à me demander combien de temps ils doivent rester dans leur chambre. À ma dernière réponse : « Jusqu’à tes 18 ans! », Paf! Immunisés !!!

J’ai compris que je devais trouver autre chose. « Tu ne sortiras plus le soir. » « Tu ne sortiras plus le matin. » « Tu n’iras plus à l’école. » Puis… « Tu n’auras plus de dessert. » « Tu n’auras plus de repas. » « Tu n’auras plus le droit de mettre ton gilet préféré. » « Tu n’auras plus le droit de t’habiller… » C’est une lutte sans fin. Et j’ai perdu le combat. Même que je perçois dans leurs yeux un certain amusement. Surtout lorsque je compte.

J’ai dû voir ce truc à la télévision. Un psy-machin a dit de compter jusqu’à trois, en expliquant bien que, si on se rend à trois, il y aura une punition. Au début, lorsque je comptais « Un… deux… trrr… », je pouvais voir un effet à deux. Jusqu’au jour où mon « préadolescent » de 7 ans (il est préado depuis qu’il a 2 ans) m’a regardé droit dans les yeux et m’a laissé compter jusqu’à quatre. Il a perçu mon doute et m’a dit, d’un ton presque candide : « Pis? » Le problème, c’est que je n’avais jamais préparé un « après-trois ». Je me suis senti comme une souris prise dans un coin face à un gros minet. Je devais absolument trouver une solution. Alors j’ai dit (je vous le jure!): « Ok, je recommence, pis t’es mieux d’avoir bougé à trois! Un… deux… trrr… qu… » Rien. Mon Indiana Jones n’a pas bronché.

Là, c’était un hamster qui courait dans la roulette de mon cerveau. Que devais-je faire? Mon fils attendait, et je n’avais rien à proposer d’épouvantable pour corriger la situation. Je n’avais plus d’insecticide. « Pis?! » a-t-il répété. J’ai donc cherché ce qui aurait le plus d’impact. Il était 16 heures. La soirée allait être longue. Et paf! J’ai eu un flash. Ma soirée allait être belle, et lui n’en aurait pas. Je lui ai simplement dit que sa journée venait de se terminer. Merci, bonsoir, on passe à un autre appel.

Mais le p’tit « bonyenne » de répliquer : « C’est ce que j’espérais! Bonne soirée. J’vais enfin être tranquille. » Là, j’ai senti que je venais de perdre le dernier match de la Coupe Stanley. Mais il restait quand même 20 secondes de jeu en troisième période… Alors re-re-paf! J’ai dit : « Et puis non, tu vas faire des tâches avec moi… J’ai justement plein de ménage à finir ce soir. » Et c’est le but! J’ai senti l’insecte qui se tortillait dans sa peine. Je venais de reprendre les rênes de la paternité.

Mon fiston m’a alors dit : « Tu fais exprès! » Je lui ai répondu : « Non. Je t’aime. »

Texte rédigé été 2009