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Moi aussi j’ai eu peur

Moi aussi j’ai eu peur
Je les ai toutes faites les erreurs de parent. Je les ai toutes dites les mauvaises phrases. J’ai fait les gestes que tous les livres condamnent.

J’ai vraiment été là où aucun papa n’a jamais été. Bon, pas tant que ça, mais durant ma période de l’autorité paternelle suprême, mon Dieu que j’ai cherché la voie familiale parfaite et absolue! Je voulais avoir réponse avant la question. Je voulais qu’ils se lavent avant de se salir. Je voulais qu’ils fassent de belles phrases avant de savoir parler. J’ai « hyper paterné ». Durant les vacances, je les ai trainés partout sans jamais savoir ce qu’ils voulaient voir vraiment. Je voulais qu’ils aiment Mozart avant de connaître la musique. Je voulais que leurs pets ne sentent rien. Je voulais sélectionner les amis. Je voulais vraiment plus qu’eux, avant eux.

Je sais qu’il n’y a rien de mauvais à leur enseigner Mozart ou les musées du monde ou de les allumer au tricot norvégien. Mais on dirait qu’il y a un moment pour ça. Et moi, trop impatient, trop heureux d’être papa, j’ai oublié que mes enfants ne savaient même pas qu’ils étaient des enfants. Qu’ils commençaient à apprivoiser la terre avec un disque dur vide! Que je ne suis pas le seul (et dieu sait, que j’ai vraiment cru que j’étais leur Google) à pouvoir apporter réponse à leurs questions…avant la question!

Puis un jour, dans leurs visages fatigués, j’ai compris le paradoxe du papa pris entre enseigner, démontrer, répondre et inspirer. J’ai vraiment cru que je n’étais qu’un enseignant. Une forme de Dieu suprême de la vie face à ces petits hommes en devenir.

Mais mon dilemme se situe dans l’écoute. Oh! Le gros mot à la mode qui est drôlement mal exploité ces temps-ci. On nous laisse l’impression qu’il faut vraiment les écouter tout le temps. Écouter leurs émotions, leurs états d’âmes d’enfants de 5 ans (sic!), leurs mouvements gastriques, le son de leur caca dans la toilette. J’exagère à peine. Il faut être à l’écoute de beaucoup pour des gens qui en ont si peu à offrir. Ne m’en veuillez pas de dire cela, mais c’est vrai. Ils n’ont rien à dire pour le moment. Ils sont eux aussi à l’âge d’écouter, d’apprendre, de regarder, de comprendre. Mais surtout, ils sont dans la période de la curiosité et la curiosité demande de la part des parents…beaucoup d’humilité. Du retrait.

Notre travail est de répondre aux questions…pas de les provoquer. Et encore. La plupart du temps, je leur retournais la question et leur propre réponse semblait les satisfaire. Et tant pis pour la vérité. Ils semblaient satisfaits, à 3 ans, de savoir qu’on peut laver les toilettes avec de l’eau de « gazelle » et que ça vient d’Afrique. Ils semblaient satisfaits de savoir que les bébés viennent du magasin et que le soleil se couche dans sa chambre. C’tu bin important de dire tout de suite que la terre tourne?

D’abord, il y a un problème à trop écouter les enfants… ils sont convaincus qu’ils ont quelque chose à dire et que ce quelque chose à une valeur qui les transporte tout de suite au « level 4 » du jeu. Au moment où ils n’ont même pas ramassé assez de points pour aller au « level 1 ». Mais nous les parents, remplis de remords, de culpabilité et d’impatience, nous faisons tout pour qu’ils aillent plus vite et qu’ils arrivent dans le vrai jeu même avec un manque d’expérience et d’équipement. La jeunesse n’est pas une période de performance et de concours, c’est une période de préparation.

Puis, il y a un problème à trop vouloir être éducatif. On ne laisse pas la chance aux jeunes d’utiliser l’imagination et de se croire. Avons-nous peur qu’ils passent à côté d’une bonne occasion d’apprendre? La vérité est qu’ils passeront momentanément à côté de plusieurs occasions. Mais peut-être n’est-ce pas le temps de savoir tout ça? Les études ont prouvé que, même si on poussait sur l’apprentissage, le cerveau des enfants qui apprennent vite et le cerveau des « autres » se rattrape cognitivement vers l’âge de 15 ans. Il ne sert à rien finalement de pousser et d’avoir peur. Je le vois chez mes grands ados. Toutes mes inquiétudes tombent avec la fin de l’adolescence.

Non, ils n’ont pas fait de dépression en apprenant que le Père Noël n’habite pas Longueuil.

Finalement, mon Hulk intérieur a compris que l’enfance est une période de découverte. Et si je me regarde de proche…je dois être encore dans mon enfance.