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Le septième jour de vacances, il se reposa enfin!

Le septième jour de vacances, il se reposa enfin!

Je passais des vacances en famille. Endroit jamais vu. Nouveaux paysages. Plein de nouvelles choses à découvrir. Plein de nouvelles dépenses en vue. « Bébelles » souvenirs, repas, billets d’admission, stationnement, crème glacée… Pendant les trois premiers jours, je cours avec mes gars à gauche et à droite pour tout faire. Un musée de ceci, une exposition de cela, un tour de machin, un resto, la spécialité du coin, les 250 marches, la vue panoramique, la photo prise sur le vif. Et moi, je donne le meilleur du papa que je suis : « Avez-vous vu ça, les gars? », « Saviez-vous ça, les gars? », « Avez-vous goûté à ça, les gars? » C’est normal, non? C’est mon travail de père d’introduire le monde à mes enfants par toutes les voies possibles!

J’avais pourtant davantage l’impression d’être en train de leur mettre des suppositoires que de leur faire découvrir les belles et bonnes choses de la vie. La Culture, la Gastronomie, la Langue, l’Histoire. Ils n’étaient malheureusement pas aussi enjoués que je l’aurais souhaité.

Chaque soir, essoufflé et ruiné, je confie à ma blonde ma petite déception de les voir si peu réagir. Et tous les soirs, elle me dit d’un ton calme quelque chose qui veut dire, pour qui la connaît, pour qui sait lire entre les lignes : »Vas-tu comprendre, espèce d’hystérique paternel, ce qu’ils essaient de te dire? »

Moi, je résiste. Il n’est pas vrai que je sois en vacances pour faire le beach potato. Je laisse ça à d’autres. Moi, je suis un papa qui s’intéresse à la vie et aux nouvelles découvertes. Je veux montrer à mes enfants que la vie est grande, et les peuples, unis main dans la main pour écrire ce grand livre d’Histoire de l’Humanité. Et puis, ce serait trop beau, si la vie était faite comme ça. Pouvoir s’écraser sur une plage et ne rien faire? C’est juste « dans les vues » que ça arrive pour vrai, ces affaires-là!

Donc, de jour en jour, court et re-court. Va ici et regardez ça là, allez, suis, dépêche-toi. Re-goûte et re-visite. Re-paye et re-re-re!!! Puis, comme Dieu, le 7e jour, je m’arrête. Non, plutôt, j’abandonne. À vrai dire, c’était le 4e jour, mais ça m’a semblé tellement long… (C’est tout de même positif, quand vos jours de vacances semblent s’éterniser, non?) J’étais épuisé. Je me résigne donc à aller à la plage. HORREUR. Jamais il ne se sont autant amusés de toute leur VIE! Mais vraiment! Ils ont joué sans répit et sans « chialage » pendant des heures. Ils trouvaient plein de choses à faire et ne me demandaient RIEN! Moi, assis dans ma chaise longue, enfoncé dans le sable jusqu’aux hanches, je regardais la scène avec un sentiment partagé. Ils s’amusaient et moi, je me reposais. Je n’en revenais pas.

Elle, l’oeil coquin, me regarde de côté et je sens qu’elle a quelque chose de « fille » à me dire. Je fais semblant de ne rien voir et de réfléchir à la vie en regardant la mer! Je termine à contrecœur mon moment de méditation et je lui lance le « Quoi? » tant attendu. Elle saute sur l’occasion : « Ce n’est pas toi qui as écrit sur l’ennui et les enfants? ». Oui, c’est moi qui conseille aux parents de laisser les enfants s’ennuyer. Ouache! Moi. Celui qui ne cesse de répéter : »Arrêtez de courir pour eux, tout ce qu’ils veulent, c’est votre présence! » Maudite marde! J’étais TOUT SIMPLEMENT assis là, à rire de leurs pitreries, à me faire offrir des coquillages, des vestiges de poissons morts, des carapaces de crabes agonisants, des algues fraîches entières, des galets visqueux, tout cela comme si j’étais le petit-gros Jésus. J’aurais même pu lire! Là, dans le sable chaud, comme dans mes fantasmes les plus délirants.

C’est tout ce dont j’avais vraiment besoin, justement, à ce moment de ma vie : ne plus bouger. Puis, elle me lance de sa voix qui m’a séduit il y a maintenant vingt ans : « On est bien, hein? » Je la regarde, elle sourit. Sans jugement. Sans regard accusateur (malgré tous les « bidous » américains dépensés pour des « bébelles » qui vont finir en vente de garage). Elle me tend la main, je la prends.

On regarde la mer et les enfants. Les enfants et la mer. Silence. Bonheur. Fin.

Texte rédigé hiver 2010