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La différence à travers les yeux de mes enfants

La différence à travers les yeux de mes enfants

Pour aborder un sujet aussi important et actuel que la différence, j’ai choisi de vous offrir un témoignage personnel sur la manière dont mes deux fils y ont été confrontés et sur la façon dont je les ai accompagnés pour développer la tolérance.

Lorsque mon aîné avait 8 ans et que nous étions dans un centre commercial, je l’ai vu sortir des toilettes en courant vers moi le visage terrifié. Le souffle coupé par la panique, il lui a fallu quelques minutes pour se calmer et me raconter le moment où il s’est retrouvé nez à nez avec un homme au visage tellement brûlé qu’il n’avait plus de cheveux sous sa casquette, ni d’oreilles, ni même de forme à son nez.

Et même en lui expliquant que cet homme, qu’il voyait comme « monstrueux » physiquement, était très probablement sympa, cela ne le rassurait pas du tout. Son image était comme gravée dans sa tête. Le visage déformé par les brûlures de cet homme lui avait fait tellement peur, involontairement, que mon garçon en a fait des cauchemars les jours suivants.

Alors je lui ai demandé d’imaginer son papa dans la même situation : « Ruben, tu connais bien ton papa ? Tu sais que c’est un papa bienveillant, drôle, rassurant, fort… ? Tu sais qu’il a des enfants, une femme, des parents, des amis, un travail… ? Eh bien je te demande d’imaginer si ton papa avait eu un malheureux accident avec le feu et que son visage était tout brûlé. Est-ce que tu l’aimerais moins qu’avant ? À présent, imagine si ton papa, et son visage brûlé, se baladait dans la rue et que tous les gens qu’il rencontre tournaient le visage pour ne pas le regarder ou riaient de lui. Imagine si tous les enfants s’éloignaient en courant. Tu leur dirais quoi ? Si tous les gens qui ne connaissent pas ton papa ne lui disaient plus jamais bonjour ou qu’il n’avait plus de travail parce qu’il faisait peur à tout le monde. Comment réagirais-tu ? »

Pendant que je lui parlais de son papa, je voyais mon petit bonhomme (qui a déjà 18 ans maintenant !) réfléchir…

La peur est une réaction normale face à un danger réel, elle permet à un enfant de se défendre. Les adultes peuvent l’apaiser facilement en luttant contre, en s’éloignant ou en la supprimant. En revanche, les enfants de moins de 6 ans rencontrent des difficultés à faire la différence entre leur imaginaire et le monde réel, ce qui peut entraîner des peurs telles que les monstres ou les sorcières.

Entendre de nouveaux bruits qui sortent de l’ordinaire ou rencontrer des inconnus au visage brûlé, comme ce fut le cas pour mon fils, peut, dans leur imagination, représenter une menace pour eux. Un danger qui peut peut-être être réel ! Et ceci d’autant plus si les adultes leur transmettent leurs peurs. Ils ne savent pas comment faire et ne comprennent pas quoi faire.

Il peut être bon de leur donner la possibilité d’observer des photos et des vidéos pour parler de ce qui leur fait peur et dire ce qu’ils ressentent. Nous pouvons ainsi choisir nos mots pour leur transmettre de l’information et ils pourront alors davantage savoir et comprendre ces situations. Leur parler de nos propres peurs d’enfant et de nos astuces pour les éloigner ou pour se rassurer pourrait les supporter également. L’utilisation de jeux, de dessins ou d’histoires pour transposer la situation qui les effraie en une situation qui leur ait connue et agréable est aussi une belle façon de les accompagner, comme je l’ai fait pour mon fils avec son papa. Et enfin, nous pouvons les encourager peu à peu à entrer en contact avec ce qui les effraie. Car au fur et à mesure que les enfants se sentiront capables d’affronter leurs craintes, leur peur diminuera et leur sentiment de sécurité augmentera.

Comme vous pouvez le deviner, en prenant papa comme exemple, mon fils a compris très vite que cet homme, malgré sa différence physique et son histoire dramatique avec le feu, avait le droit de continuer à faire partie du monde. Et ce, dans le plus grand respect et la plus grande dignité qui soit.

Lorsque mon plus jeune fils avait 4 ans, nous étions également dans un centre commercial, et j’ai remarqué qu’il regardait avec insistance une personne sur un fauteuil roulant. Il m’a alors demandé : « Maman, regarde, qu’est-ce qu’il a le monsieur ? Pourquoi est- il assis sur une chaise qui roule ? »

Je lui ai répondu : « Nolan, ce monsieur est comme tous les messieurs que tu vois dans le magasin, il a juste ses jambes qui ne fonctionnent pas parce qu’elles sont probablement malades. Peut-être qu’il est né avec des jambes qui ne fonctionnent pas ou peut-être qu’il a eu un accident, on n’en sait rien. Tu peux le regarder si tu veux, lui faire un sourire si tu en as envie. Je te félicite d’avoir fait des efforts pour me poser la question tout doucement et de ne pas avoir mis ce monsieur mal à l’aise en le montrant du doigt. Il est un être humain comme toi et moi et a juste besoin d’un fauteuil qui roule pour se déplacer. »

Depuis, mon garçon, qui a maintenant 10 ans, fait toujours très attention de ne mettre personne mal à l’aise lorsqu’il s’interroge sur un élément physique ou une situation particulière.

Vous parlez de la différence à travers les yeux de mes fils est une belle façon pour moi de vous partager la manière dont j’ai fait, spontanément, le choix de les accompagner dans ces deux situations particulières qu’ils ont vécues tous les deux à des années d’intervalle. Je suis très fière que Ruben et Nolan soient tolérants envers les autres, quel que soit leur différence ou leur handicap.

J’aime aussi dire que nous sommes tous des êtres différents, alors où est la limite entre ce qui est une différence et ce qui est une normalité ?

Fatima Weppe - Éducatrice à l’enfance et Coach PCM

Éducatrice à l’enfance et coach certifié Process Communication couvrant la région Ouest de la Montérégie. Elle intervient auprès des enfants de 0-18 ans et adulte. Membre du Réseau Nanny Secours depuis 2022.