Dans la nouvelle série Le bonheur, un enseignant « pète sa coche » devant un groupe d’élèves.
À l’émission Tout le monde en parle, la scène est présentée comme un grand moment de vérité qu’il fallait avoir l’audace de montrer au monde entier.
J’ai un malaise. Pour certains, il semblerait que ce soit de la sensiblerie ou même une réaction moralisatrice de bien-pensante. N’empêche que j’ai quand même envie de me risquer de vous partager ma réflexion, au risque de recevoir quelques tomates virtuelles.
Tout d’abord, je tiens à spécifier que ce qui crée mon malaise, ce n’est pas qu’on critique les jeunes ou les parents : chaque génération a ses difficultés. On peut bien en rire et les grossir pour les regarder en face. J’admets que tout ne me semble pas de bon goût, mais j’apprécie qu’on en parle, que ça suscite des réflexions.
Ce qui me dérange par contre, c’est la déresponsabilisation. Celle de ceux qui mettent en scène ces explosions violentes d’émotions en guise d’affirmation de soi, mais aussi celle de ceux qui les valorisent à grands coups de « J’aime » et de commentaires enflammés dans les réseaux sociaux. Non pas parce que « c’est pas gentil pour nos pauvres âmes sensibles », mais bien parce qu’en encourageant ces « pétages de coche » comme on le fait depuis quelques années dans nos médias, on ne peut pas s’étonner que certains individus plus fragiles s’autorisent de plus en plus de petites et grandes violences, allant parfois jusqu’à perdre le contrôle.
Réfléchissons bien : si on se réjouit qu’à l’écran un enseignant use de son autorité et de sa force physique pour insulter et intimider ses étudiants et leur dire leurs quatre vérités, on ouvre une porte pour justifier et banaliser la violence. Il devient alors de plus en plus difficile de condamner l’homme qui s’emporte « un peu trop » lorsque sa femme le quitte pour un autre… Comment peut-on espérer que cessent les crimes haineux et la violence, tout en valorisant le « pétage de coche », à la télé, à la radio et dans les médias sociaux ?
La détresse, humaine est réelle. Mais comme on enseigne aux tout-petits à gérer leurs émotions, il serait temps qu’on responsabilise les adultes face à leurs comportements. Croyez-vous que si un enseignant se retrouve à ce point en détresse, c’est réellement à cause de ces jeunes, de leurs parents, ou même des directions d’école ou du gouvernement ? Je ne crois pas. Par expérience, je peux vous assurer qu’on ne se retrouve pas dans cet état à cause des autres. Pas plus qu’un homme ne tue sa femme ou ses enfants parce que les autres le font souffrir.
En fait l’irresponsabilité et l’égocentrisme que cet enseignant dénonce chez les jeunes, il en est lui-même un exemple parfait ! Il n’a pas pris la responsabilité de ce qu’il vivait. Il a cru que pour être un bon enseignant, un bon mari, un bon père, un bon citoyen, il devait encaisser toutes les injustices et la pression sans s’affirmer. Et quand il s’est rendu compte que d’éduquer des jeunes le rendait aigri et frustré, il a probablement eu peur de remettre en question son train de vie et son plan de retraite, au point d’en venir à agresser un groupe de jeunes qui ne demandent qu’à trouver le bonheur, bien maladroitement, mais certainement pas plus maladroitement que lui…
Non, ce n’est pas la faute des jeunes, de leurs parents, du gouvernement, du système… Il a craqué et c’est choquant ! On ne devrait pas se réjouir de cette violence. S’en réjouir est un signe que notre société va mal. Oui, parlons des vraies affaires, mais cessons de cautionner l’intimidation dans l’espace public : les « clics », c’est payant pour les affaires et pour l’égo, mais ça coûte cher en tant que société. Ça peut même coûter des vies…
Mais continuons à ne pas regarder plus loin que le bout de notre nez : c’est tellement enivrant de compter les « J’aime » et d’être encensé pour notre courage et notre audace ! Continuons aussi de croire que le problème c’est les jeunes : après tout, s’ils ne nous imitaient pas, tout irait très bien…
Vous sentez que vous êtes sur le bord de
« péter votre coche » ?
Demandez de l’aide !
Parents et jeunes :
https://www.nannysecours.com/repertoire-de-coachs-familiaux/
Organismes d’aide aux hommes en difficulté au Québec :
Organismes d’écoute téléphonique du Québec :